Publié le 26/06/2020 Temps de lecture : 6 min
« Paradoxalement, Claude Monet a peu fait l’objet d’adaptation cinématographique ou romanesque. C’est ce côté presque patrimonial, de figure patriarcale, qui m’a plu alors qu’il a justement une vie très romanesque. Ce génie, cette folie et cette vie incroyable m’ont beaucoup intéressé car Claude Monet est plus difficile à cerner que des personnages tragiques comme Van Gogh ou Gauguin. »
Avez-vous un souvenir d’enfance particulier dans l’Eure ?
Michel Bussi : J’en ai beaucoup. Né à Louviers, j’ai grandi au Manoir-sur-Seine puis à Pont-de-l’Arche. Jusqu’à à l’âge adulte, l’Eure a marqué ma vie. Un exemple qui m’a marqué jeune, la construction de la « ville nouvelle de Val de Reuil » (de sa gare vers Paris et Rouen ndlr) au milieu des champs qui a sans doute influencé ma vocation de géographe. Il y avait quelque chose d’étonnant à voir « pousser » une ville nouvelle comme cela pratiquement au pied de chez moi. Un deuxième exemple : le sport. Jeune, je pratiquais le tennis de table et j’ai beaucoup fréquenté le département de l’Eure. J’ai sillonné une grande partie des petites communes de l’Eure en jouant au tennis de table dans de petites salles. Je connais aussi très bien l’Eure pour cela. C’est amusant car de nombreuses communes de quelques dizaines d’habitants possèdent un club et s’animent grâce au sport.
Quel lieu incarne l’Eure pour vous ?
Michel Bussi : J’aime beaucoup toute la Vallée de la Risle. On y est plus isolé comme aux alentours de Brionne où de lieux comme cela. Ensuite c’est Lyons-la-Forêt, plus Beau village de France, car une partie de ma famille y habitait. Cela fait partie de mon histoire familiale.
Avez-vous une excursion ou une promenade préférée dans l’Eure ?
Michel Bussi : Les bords de Seine sont pour moi rattachés à mon enfance. Comme Léry-Poses, Porte-Joie, tous ces étangs de la Seine. Je suis allé beaucoup « gamin » à la base nautique de Léry-Poses mais aussi les balades autour d’Andé, de Porte-Joie. C’est un lieu que je connais bien dont j’ai parlé dans le roman J’ai dû rêver trop fort car mon héroïne habite dans l’Eure à Porte-Joie à proximité de la Seine. J’utilise ce côté très apaisant de cette Seine à la fois majestueuse et calme avec ses petites îles et un peu de batellerie.
Les Nymphéas Noirs, qui est un véritable bestseller, a pour cadre Giverny le village si cher à Claude Monet. Pourquoi avoir choisi ce lieu ?
Michel Bussi : Je recherchais une idée de roman où la peinture ait un rôle important. Au même moment, le Festival Normandie Impressionniste était lancé (pour la première fois en 2010 ndlr), j’ai donc fait le lien entre mon histoire et l’Impressionnisme. Giverny s’est imposé assez naturellement comme le lieu clé de mon histoire car j’avais besoin d’un huit clos dans un petit village. La difficulté fut de rendre hommage à la magie de Giverny avec un « polar impressionniste » sans tomber dans la carte postale.
Ce roman a été adapté en BD, pourquoi ce choix ?
Michel Bussi : Cela s’est fait naturellement. Quand on m’a proposé d’adapter un de mes romans en BD, c’est tout de suite Nymphéas Noirs qui est venu parce qu’il y avait un vrai défi de narration à retranscrire en image. Le scénariste comme le dessinateur ont tout de suite dit oui et étaient persuadés que c’était possible. Il y avait une forme d’évidence, la preuve en est la BD Nymphéas Noirs a été un des gros succès de l’année 2019 avec de nombreux prix. La BD est d’ailleurs déjà traduite dans une dizaine de pays. La plus-value artistique est extraordinaire pour la narration puis que nous sommes dans un dessin impressionniste et l’histoire se passe à Giverny.
Quel regard portez-vous sur l’Impressionnisme ?
Michel Bussi : J’ai pris des cours de peinture tout petit à Pont-de-l’Arche. Une peintre habitait Les Damps, juste à côté, Gabi Peeters (décédée en 2019) qui était une artiste importante. Nous sommes restés amis tout au long de ma vie, j’ai donc toujours aimé le dessin et la peinture en étant amateur.
L’impressionnisme c’est le registre de la culture populaire. C’est ce que j’aime avec Les Nymphéas de Claude Monet, nous sommes à la fois dans le registre de la folie car Claude Monet est à l’époque déjà une institution de son vivant et à lui tout seul. C’est évidemment un précurseur du mouvement impressionniste mais c’est une sorte d’institution comme Victor Hugo, c’est l’ami de Georges Clémenceau… c’est quasiment « le » grand peintre national. Une folie incroyable que Claude Monet se sert en quelque sorte pour peindre pendant 30 ans chez lui à Giverny. C’est à la fois grand public aujourd’hui mais cela part de la folie incroyable d’un homme, Claude Monet. C’est ce que j’aime, quelque chose de pas du tout commercial mais au contraire universel et indépassable. Avant que Les Nymphéas s’imposent dans le monde, c’est quelque de révolutionnaire pour l’époque, unique, on a là quelque chose de visionnaire.
Quel rapport avez-vous à la vallée de Seine ?
Michel Bussi : La vallée de Seine, c’est mon enfance. La vallée de Seine a influencé mon écriture : on a la fois la campagne dans l’Eure, la Forêt de Bord évidemment dans laquelle je me suis beaucoup promené avec les étangs de Léry-Poses. Nous sommes à la fois dans un environnement rural tout en étant dans un environnement industriel puisque la vallée de l’Eure et le Manoir-sur-Seine ce sont de grandes usines. L’Eure c’est à la fois un département rural et ouvrier avec ces petites vallées. J’ai grandi dans la Vallée de l’Andelle, une vallée à la fois très jolie, très naturelle et qui a été industrielle (industrie textile au XIXe siècle ndlr).
Ma vision de l’Eure et de la Seine depuis mon enfance, ce sont les espaces naturels, des coins qui jouxtent des espaces ouvriers qui sont très jolis avec de nombreux villages très préservés. Pont-de-l’Arche en est un exemple : petite cité médiévale à côté de grands centres comme Louviers et Elbeuf (76), c’est cela qui m’a nourri.
L’Eure s’est mise en scène dans mes romans comme Nymphéas Noirs et Giverny naturellement mais également J’ai dû rêver trop fort et Porte-Joie et ses bords de Seine. Dans un avion sans elle, mon héros prend le train à la gare Saint-Lazare de Paris en direction de Rouen et traverse l’Eure. C’est aussi une des visions de l’Eure que j’ai : le chemin de fer, suivre la Seine en train à Val-de-Reuil puis Vernon en direction de Paris. Cette « Eure coincée » entre Paris et la mer est un parcours très joli car on longe la Seine pratiquement tout le long du trajet de Rouen à Vernon. C’est très nostalgique pour moi car on passe la Seine au Manoir-sur-Seine puis on voit le fleuve à Saint-Pierre-du-Vauvray où il y avait une ancienne gare. Il y a une traversée des lieux qui est très jolie quand on voit ce prolongement de Paris à Rouen.
Dans un avion sans elle, mon héros prend le train à la gare Saint-Lazare de Paris en direction de Rouen et traverse l’Eure. C’est aussi une des visions de l’Eure que j’ai : le chemin de fer, suivre la Seine en train à Val-de-Reuil puis Vernon en direction de Paris. Cette « Eure coincée » entre Paris et la mer est un parcours très joli car on longe la Seine pratiquement tout le long du trajet de Rouen à Vernon. C’est très nostalgique pour moi, car on passe la Seine au Manoir-sur-Seine puis on voit le fleuve à Saint-Pierre-du-Vauvray où il y avait une ancienne gare. Il y a une traversée des lieux qui est très jolie quand on voit ce prolongement de Paris à Rouen.